CHEZ LES AUVERGNATS

(or the man behind the woman)
à saint-amant-roche-savine dans un chalet
de montagne j’ai sous les yeux la photo
des damour c’est-à-dire monsieur damour
avec sa casquette et sa chemise à carreaux
et madame damour avec ses poings serrés
sur ses hanches et ses bras en triangle pour
empêcher le passé de passer donc ses bras
forment un losange anagramme de solange
elle ne s’appelle pas solange mais thérèse
ses cheveux sont retenus par des peignes
comme les cheveux de la niña de los peines
et au-dessus de la tête d’eugène damour
il y a des pots de fleurs comme à grenade
qu’ils sont flamencos ces deux auvergnats
derrière thérèse il y a la porte de sa villa
qui pourrait s’appeler ma vie la
comme la note la ou ma vie là
c’est-à-dire ma vie ici puisque
thérèse ne sort jamais de sa villa
alors qu’eugène va parfois
saigner le cochon et parfois
jouer à la belote avec ses amis
je me souviens qu’en hiver
la montagne était île
île de neige
île flottante de neige
où ma mère mon père et moi
vivions tous les trois à l’étroit
où ma mère mon père et moi
vivions d’œufs à la neige
de gêne d’amour
maintenant à cause
du réchauffement climatique
les œufs à la neige fondent
l’île flottante fond
la crème anglaise fond
tout fond même le fond
de la crise sans fond fond
c’est-à-dire que les œufs
à la neige ou l’île flottante
il n’y en a pas des flottes
et c’est de la flotte
les clients s’en font
les clients s’en vont